Chassez le naturel !

, par La Rédaction

Du 6 février au 10 mars, les habitants sont invités à donner leur avis sur une « modification simplifiée » du Plan local d’urbanisme. Ces changements concernent la Grisière et Saint-Jean-le-Priche. Les documents sont consultables à l’hôtel de ville de Mâcon et dans les mairies des communes associées, ils ne sont toutefois pas consultables en ligne.

Après une approbation du PLU en février 2007, cinq modifications ont été effectuées, dont quatre entre 2009 et 2015, la cinquième en juin 2022 [1], et trois modifications « simplifiées » entre 2016 et 2019, supposant moins de formalités, moins de difficultés, notamment l’absence de commission d’enquête indépendante.

Plusieurs organismes ont d’ores et déjà donné leur avis sur cette quatrième modification simplifiée, sans oppositions formelles. Le Pôle d’équilibre territorial et rural de Mâconnais Sud Bourgogne (PETR), par l’entremise de Christine Robin, ne se prononce pas, du fait de l’absence de Schéma de cohérence territoriale (SCoT). Absence également regrettée par les commissaires qui se sont penchés pendant l’été 2022 sur la révision globale du PLU et qui ont, pour cette raison parmi d’autres, donné un avis défavorable au projet de la ville de Mâcon [2]. La Chambre de Métiers et de l’Artisanat prend acte, sans commentaire, sans opposition. La Chambre d’Agriculture du département n’émet pas d’objection, tout comme les services départementaux d’accompagnement des territoires. Seul le préfet donne un avis clairement favorable, précisé « sur l’autorisation d’extensions et d’annexes sur les bâtiments d’habitation en zones agricoles et naturelles », expression qui résume bien le principe d’une artificialisation de zones naturelles, compris dans ce projet de la municipalité actuelle.

Une simplification douteuse des procédures

Ce sont des changements dans l’urbanisme qui ne sont pas toujours anodins, notamment pour la Grisière, posant la question de la légitimité de cette procédure simplifiée. La totalité de la zone concernée à la Grisière étant dévolue à la construction de la centrale photovoltaïque, on peut considérer dès lors qu’il s’agit de rendre constructible l’ensemble de la parcelle. Or il ne peut être réalisé de procédure de modification simplifiée que lorsque le changement concerne moins de 20 % d’une parcelle  [3]. Passant d’une zone naturelle pour des équipements de loisirs et sportifs à une zone naturelle pour infrastructures de production d’énergie photovoltaïque, il n’y a pas de flou sur ce changement de destination, les constructions prévues se distinguant bien des espaces autorisés précédemment. Ce d’autant plus que la ville de Mâcon ne prévoit aucune garantie pour la cohérence paysagère dans le secteur créé pour le photovoltaïque.

avant cette modification
après cette modification

La zone ici modifiée était inscrite dans le projet initial de centrale [4]. Au sud, c’était 3,4 hectares, avec l’ajout d’une bande de 1,35 hectares, non prévue initialement, sous le chemin de la Grisière, soit 4,75 hectares : ce changement de près de 5 hectares avait fait l’objet d’une modification sans simplification, en juin 2022, avec un commissaire enquêteur.

A la suite d’un avis de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe), la commission estimait que ce nouvel ajout, d’un hectare de terrain aux 4,5 hectares prévus, n’était pas justifié. Cet ajout, demandé par la Société Monégasque de l’Electricité et du Gaz (SMEG), en charge du projet, concerne une zone humide à valeur environnementale. On ajoute donc 1,13 hectares pour la centrale, au nord. Si l’avis d’un commissaire a déjà été donné, favorable sous conditions, et que les partenaires ont été de nouveau consultés, ce qui peut soutenir le principe d’une procédure simplifiée, l’avis n’est pas repris dans le document soumis au public. Et surtout, les garanties demandées par la MRAe et le commissaire n’apparaissent pas dans les règles rédigées pour le secteur Npv [5].

Vers l’artificialisation d’une zone naturelle à valeur environnementale

La MRAe donne ici un avis « conforme ». Elle met toutefois en avant les précautions à prendre pour le site de la Grisière, compte tenu des zones humides qui concernent la moitié du projet. Rappelons que dans son avis relatif à la révision du PLU, la Mission regrettait l’absence de mention de ce projet, « consommant et artificialisant de l’espace ».

L’installation d’une centrale photovoltaïque sur cet espace naturel prend appui sur le fait qu’il s’agit là d’une ancienne déchetterie, avec, selon la ville de Mâcon, une faible valeur écologique et paysagère. Le rapport de la commission d’enquête indiquait pourtant que « le caractère naturel de la zone concernée, aussi singulier soit-il (une décharge), ne saurait être substantiellement dégradé par sa réaffectation en centrale solaire ! ». Rien ne s’oppose à ce que cet espace naturel le reste et soit conservé, avec un intérêt possible à ce que des espèces végétales y soient plantés pour favoriser un milieu écologique. Ce peut être un espace arboré à proximité de la ville, de l’autoroute par ailleurs, avec un intérêt écologique et paysager.

A Saint-Jean-le-Priche, rassurer les investisseurs

Pour le château privé de Saint-Jean-le-Priche, il s’agit de reclasser 0,94 hectare de secteur « naturelle loisirs » (Nl) en secteur « naturelle habitat » (Nh). Ce changement ne pose pas de problème a priori, comme le château est bien là depuis le XVIIe siècle, depuis 1815 sous sa forme actuelle. La ville souhaite ainsi le mettre en valeur, depuis qu’il n’est plus utilisé après la fermeture de la maison de retraite en 2015, et que, mis en vente aux alentours de deux millions d’euros, il n’a a priori pas trouvé acquéreur. L’idée pour la ville de Mâcon est que ce changement permette à des investisseurs d’acheter le château pour le transformer en logements privés, sous forme d’appartements [6].

En outre, des extensions au château sont autorisées : si elles ne doivent pas compromettre la qualité paysagère du site, rien n’est précisé sur le respect de la qualité patrimoniale de la zone. Ce projet suppose une forme d’artificialisation, de même pour des stationnements, mais avec des garanties de places non imperméables.

On peut comprendre la modification des règles pour la réalisation de places de stationnement concernant en particulier le château privé de Saint-Jean-le-Priche, avec la nécessité, en cas de création de plusieurs logements, de disposer de places pour chaque propriétaire ou locataire d’appartements. Mais cette modification telle qu’elle est inscrite peut également concerner d’autres projets, notamment ex nihilo. Quand bien même la modification propose des garanties environnementales conséquentes, la destination des terres concernées change bien de fonction.

L’urgence ponctuelle au détriment d’une politique d’urbanisme ?

En soi ces projets ne paraissent pas être des projets d’ampleur avec une forte emprise sur l’environnement. Mais c’est petit bout par petit bout que la ville de Mâcon s’évertue à remettre en question les zones naturelles de la ville. C’est d’ailleurs une conception bien particulière de l’environnement qu’elle montre, en dérogeant régulièrement au respect de ces espaces naturels, qui semblent surtout bien être des espaces à conquérir pour davantage d’urbanisation. Et dans ce contexte, l’urbanisation vient peut-être à contre-sens de politiques d’urbanisme respectueuse de leur environnement.

L’absence de communication, au-delà du cadre légal, pour cette consultation, par la ville de Mâcon, mérite d’être questionnée. Qu’aurait-il coûté à la ville de diffuser l’information relative à cette consultation sur les réseaux sociaux ? Que lui aurait-il coûté de mettre les documents à disposition sur le site Internet de la ville, pour une plus grande facilité de consultation par les citoyens et habitants ? Que lui aurait-il coûté de prévoir un article dans le bulletin municipal distribué à la fin du mois de février, dix jours avant la fin de la consultation ? Rien ne dit pour l’heure qu’elle ne fera rien de tout cela, on peut toutefois affirmer que ce n’est pas prévu. Les échanges sur ce sujet lors du Conseil municipal du 12 décembre 2022 peuvent prêter à sourire, tant un dialogue de sourds s’est installé, avec deux lectures possibles de ces échanges : une difficulté de l’opposition, dans ce cas précis, à demander une meilleure communication en faveur des habitants, mais aussi une absence claire de coopération de la majorité pour améliorer cette communication [7].

Il n’en reste pas moins que les avis sur cette nouvelle modification du PLU peuvent être envoyés par courriel à urbanisme@ville-macon.fr et par courrier au service urbanisme de la mairie [8].

Nous avons par ailleurs pu apprendre à l’occasion de ce même Conseil municipal que la révision globale du PLU, à l’arrêt depuis l’avis défavorable de la commission d’enquête, restait bien en projet, sans nouvelle version présentée pour l’heure. La ville de Mâcon souhaitant notamment attendre les résultats d’un recours de l’AMF, association des maires de France, recours contre les décrets d’application de la loi Climat et Résilience, déposé surtout pour les villages ruraux et leurs projets de développement, pas pour des villes comme Mâcon [9]. Ce recours permettrait ainsi d’avoir plus de liberté dans les choix d’artificialisation des espaces naturels. Ainsi, loin d’entendre les avis exprimés dans l’enquête publique, notamment les avis indépendants, loin d’estimer l’urgence climatique, la ville de Mâcon fait le choix constant d’une artificialisation des terres, dans un élan d’urbanisation dont on peut questionner la légitimité.

Notes

[1présentée dans notre numéro 7, « Mâcon la Maladroite ? », sur https://independant-maconnais.fr/spip.php?article12

[2Précisions au sujet de cet avis défavorable sur : https://www.independant-maconnais.fr/spip.php?article11

[4Voir à ce sujet notre numéro 1, sur la centrale photovoltaïque : sur https://www.independant-maconnais.fr/spip.php?article1

[5Npv : Naturel photovoltaïque

[6Ce qui n’est pas sans rappeler le projet de Gérard Colomb à Flacé, avec un échec d’investissement qui a conduit au projet de destruction de la maison bourgeoise hôtel Cyrano.

[7Retranscription des échanges sur le point 23 (amendement), en séance du Conseil municipal du 12 décembre 2022 :

Jean-Patrick Courtois : Merci. Vous avez un amendement, vous voulez le présenter ?

Gabriel Siméon : Oui, oui, je peux rapidement le présenter, c’est vraiment un petit amendement, si vous le permettez. Donc nous on propose, pour le groupe Mâcon Citoyens, d’ajouter simplement une diffusion plus large de cette information, et ça ne nous coûtera rien de plus. Donc on propose d’insérer, dans la phrase « cette avis sera également publié sur le site Internet de la ville », on propose d’insérer le texte suivant : « ainsi que dans le magazine municipal Mâcon, le magazine de la ville », voilà. Pour que cette information soit aussi présente dans le magazine municipal, évidemment, ça a lieu d’être inséré à deux endroits de la délibération si je ne me trompe pas.

Jean-Patrick Courtois : Alors il sera déjà sur le site Internet de la ville, mais là je ne peux pas accepter votre amendement puisqu’on n’aura pas de bulletin municipal à sortir avant l’enquête publique dont les dates sont fixées dans le rapport.

Gabriel Siméon : Alors, si je peux me permettre de vous répondre, il me semble que les dates courent jusqu’en mars, le 10 mars.

Jean-Patrick Courtois : La publication doit être avant, huit jours, et je n’ai pas de bulletin municipal avant la date.

Gabriel Siméon : Non, je pense qu’on ne se comprend pas bien là-dessus. Effectivement, vous parlez du numéro de janvier et février, c’est cela ?

Jean-Patrick Courtois : Oui.

Gabriel Siméon : Il y a un numéro en mars-avril, aussi, qui est distribué, si je ne me trompe pas, fin février.

Jean-Patrick Courtois : Non, mais c’est tous les deux mois, maintenant. On n’en aura pas avant.

Gabriel Siméon : Oui, je parle du numéro de mars-avril.

Jean-Patrick Courtois : L’enquête sera faite.

Gabriel Siméon : Non, elle finit le 10 mars.

Jean-Patrick Courtois : Oui, mais il faut que ce soit fait avant la publication.

Gabriel Siméon : C’est avant ?

Jean-Patrick Courtois : Avant le début de l’enquête, c’est marqué. Huit jours au moins avant le début, donc il n’y a pas de numéro. Donc je vais mettre au vote cet amendement.

Gabriel Siméon : Excusez-moi, vous pouvez m’indiquer exactement là où.

Jean-Patrick Courtois : Ben, la date elle est dans la délibération du Conseil.

Gabriel Siméon : Je ne la vois pas dans la délib’.

Jean-Patrick Courtois : C’est huit jours avant le 6 février. On n’a pas de bulletin municipal avant le 6 février.

Gabriel Siméon : Alors la phrase n’est pas claire, effectivement ça a l’air de s’appliquer à la diffusion dans le journal, cette phrase-là.

Jean-Patrick Courtois : Oui, c’est ce que je dis, il faut que ça soit huit jours avant le 6 février. Je vous dis, on n’a pas de bulletin municipal avant le 6 février.

Gabriel Siméon : Pour moi c’est flou.

Jean-Patrick Courtois : Ben non. Je vous dis, je suis bien placé pour savoir qu’il n’y aura pas de bulletin municipal avant janvier-février.

Eve Comtet-Sorabella : Il n’y aura pas de bulletin municipal avant janvier-février ?

Jean-Patrick Courtois : Non, fin février, fin février, mais pas pour la date du 6 février.

Eve Comtet-Sorabella : Fin décembre il va bien y avoir un bulletin municipal.

Jean-Patrick Courtois : Ça y est, il est sorti, il est sorti, et le prochain est fin février, c’est ce que je vous dis. Donc c’est pour ça que je vous dis que l’amendement ne peut pas être reçu. On n’est plus dans les délais. Donc soit vous le retirez, soit je le fais capoter, mais on ne peut pas le respecter. Vous le maintenez ?

Eve Comtet-Sorabella : En fait on se prive, quelque part, d’une source complémentaire de publicité, c’est dommage.

Jean-Patrick Courtois : Ben non, on n’a pas de journal.

Eve Comtet-Sorabella : On n’a pas de journal ? On aurait pu l’anticiper, voilà, c’est tout.

Jean-Patrick Courtois : Bien. Vous maintenez votre amendement ?

Gabriel Siméon : Ben non, je vais le retirer, évidemment.

Audio disponible sur : https://www.macon.fr/fileadmin/medias/02_MA_VILLE/La_mairie/Le_conseil_municipal/Les_compte-rendus_du_conseil_municipal/CM_du_12.12.2022/2022-12-12_Rapport23.mp3

[9Retranscription des échanges sur le point 23 (modification et révision du PLU), en séance du Conseil municipal du 12 décembre 2022 :

Eve Comtet-Sorabella : Comme vous l’évoquiez en début de séance, M. Courtois, on est quatre mois après l’avis défavorable qui a été émis par les commissaires enquêteurs sur le projet de révision du PLU, et, les Mâconnais s’interrogent, tout comme nous, élus de l’opposition, nous nous interrogeons sur ce qui va advenir et dans quels délais. Alors, nous entendions que l’Association des Maires de France avait fait un recours, pour un assouplissement, vraisemblablement, des règles de zéro artificialisation nette, et, pour nous c’est un signal très inquiétant, cet assouplissement, parce qu’on voit dans cette volonté d’assouplir ces règles, un vrai risque d’artificialiser toujours plus, alors qu’aujourd’hui on a vraiment besoin d’artificialiser vraiment moins, et donc, on est très inquiet de cette tendance à repousser toujours plus loin les limites, alors que nous les avons largement franchies, ces limites de la prédation sur notre milieu naturel, y compris ici parce que nous avons beaucoup artificialisé, sur le PLU qui est en cours actuellement, et que les révisions qui ont été annoncées, prévoient d’autres artificialisations tout aussi inquiétantes. Donc, voilà, nous sommes plutôt inquiets, curieux, de voir comment va se passer la suite des événements tant sur le PLU que sur cet assouplissement.

Eric Maréchal : Avant de vous répondre sur le PLU, pour rester sur cette modification simplifiée, on modifie le zonage, on passe d’une zone Nl à une zone Nh pour Saint-Jean-le-Priche. Donc les règles communes de la zone N continueront de s’appliquer, et à Saint-Jean-le-Priche toute la partie boisée est de toute façon protégée par un espace boisé classé. Pour la Grisière c’est la même chose, on passe d’un zonage Nl à un zonage Npv, si je ne me trompe pas, c’est cela ? « h », pardon. Voilà. Donc, les règles communes de la zone N continuent de s’appliquer sur ces deux zonages. Pour le PLU, j’avais anticipé votre question, je vais vous répondre. Le projet de révision de PLU de la ville de Mâcon, qui a été arrêté en Conseil municipal l’an dernier, le 13 décembre 2021, a été soumis à l’avis des PPA, personnes publics associées, puis, comme vous le savez, à une enquête publique, qui a été organisée du 31 mai au 1er juillet. Suite à cette enquête publique, la commission d’enquête, comme vous l’avez dit, a émis un avis défavorable sur le projet de révision. La ville prend acte de cet avis et poursuit la procédure de révision. Pour rappel, l’élaboration du SCoT, du Schéma de cohérence territoriale, qui est portée par le PETR, le pôle d’équilibre territorial et rural Mâconnais Sud Bourgogne, est actuellement en cours, de même qu’une modification qui a été engagée par la région Bourgogne Franche Comté, pour son SRRADET, son schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, tout cela afin d’intégrer les dispositions de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021. Alors, par ailleurs, il existe aujourd’hui une instabilité juridique concernant l’application de la loi Climat et Résilience. Suite, notamment, à la circulaire du ministre déchu, ministre de la Transition écologique et de la cohérence des territoires, en date du 4 août 2022, précisant l’application de la loi, au recours de l’Association des Maires de France contre deux décrets d’application de ladite loi, ainsi que par le récent engagement pris par la première ministre lors du Congrès des Maires, de modifier ces décrets d’application. La région, d’ailleurs, a choisi de différer la seconde phase de concertation visant à la modification du SRRADET, considérant les évolutions nationales qui ne manqueront pas d’intervenir dans le cadre de ce travail. Alors, en conclusion, en tenant compte de ces éléments, le Conseil municipal délibérera au vue d’une part de l’avancement de l’élaboration du SCoT, et de la modification du SRRADET, et d’autre part d’une stabilisation juridique des modalités d’application de la loi Climat et Résilience.

Audio disponible sur : https://www.macon.fr/fileadmin/medias/02_MA_VILLE/La_mairie/Le_conseil_municipal/Les_compte-rendus_du_conseil_municipal/CM_du_12.12.2022/2022-12-12_Rapport23.mp3