A. Londres à Mâcon
1/4. Les entrées dans Mâcon

, par La Rédaction

Célèbre journaliste, Albert Londres, né en 1884 et mort en 1932, a parcouru le monde et décrit contrées, populations ou villes. Et si Albert Londres était passé par Mâcon pour en dresser le portrait en 2022 ? C’est l’objet de cet exercice de style, en quatre épisodes !

Mâcon est flanquée sur la Saône, qui la borde, et quand on arrive dans la ville on ne sait pas facilement par quel bout la prendre. Il n’y a plus de fortifications, mais tout de même on garde l’impression qu’il faut pénétrer dans l’enceinte pour en trouver l’essence. Et on ne sait jamais vraiment si on est arrivé à ce qu’il faut avoir vu, car on s’attend toujours à mieux.

La ville de Mâcon a le mérite d’avoir choisi sa voie, de grands espaces de carrelages monumentaux, d’autres diront de dalles mais ça fait moins joli. On casse régulièrement la dalle pour la remettre à neuf, le long de la Saône, devant l’hôtel de ville, devant les deux ou trois édifices de la ville.

Il y a quatre places qui encerclent la ville, presque les anciennes entrées historiques. La première est un square, on entre alors dans Mâcon par les plus beaux endroits, mais sans le savoir. La deuxième est la place de la Barre, sur laquelle trônent deux vignerons bien gris. C’est sous la place, sous terre, qu’est le plus beau, un abri anti-aérien de la guerre, des anciennes tours de fortification de la ville, mais on ne le saura sans doute jamais vraiment. Les commerçants pleurent à l’idée de travaux, ce serait fermer une porte pour une durée indéfinie. Les travaux ici ont une durée indéfinie. Les commerçants freinent des quatre fers, difficile de savoir si c’est justifié. Et si les vestiges ensuite attiraient le chaland ?

La troisième place est occupée par la chambre de commerce. Le commerce est en souffrance ici, la ville est trop petite il paraît. Mais le maire a eu une idée de génie, comme ailleurs, proposer des boutiques éphémères, pour remplir les vides. On a peur du vide. Elles restent un mois, deux mois, trois mois, puis s’en retournent, on ne sait où. Il est difficile de savoir l’intérêt de la chose, mais ça fait de beaux articles dans la revue municipale, on a l’impression qu’il y a toujours du nouveau, alors que la situation des commerçants ne change pas, elle. Ça fait tellement joli qu’on voudrait en faire des émules, on a un député ici, pas poète pour un sou, qui pourrait faire une proposition de loi pour que le « travail précaire » devienne « travail éphémère », en France, ça ferait mieux passer la pilule.

La dernière entrée se fait par la façade Saône, si on trouve les ruelles pour pénétrer dans la ville, entre deux façades décrépies. Si l’hôtel de ville a belle tête de l’autre côté, il a besoin ici d’un sérieux ravalement de façade. Lamartine, statufié, ne la regarde même pas en face, il regarde vers Chalon, c’est peu dire.

L’accueil mâconnais est spécifique. De l’autre côté du fleuve, il y a le fameux quart d’heure bressan. Ici il faut attendre bien plus pour qu’on s’occupe de vous, mais le caractère cosmopolite de la ville, quand il n’a pas encore conquis l’esprit du nouvel arrivé, peut donner de belles surprises, rares. La tradition gagne vite les esprits : l’étranger gagne la tchatche à Marseille, ici il la perd.

« On ne défend Mâcon qu’à Mâcon, me dit une jeune fille qui met ses valises dans son coffre.

- Et ailleurs c’est mieux ? je demande.

- Ailleurs on se moque d’ici, alors c’est que c’est mieux. »

Bernard Sollet

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Texte extrait du numéro 7 de l’Indépendant Mâconnais, à lire en PDF :