Centrale photovoltaïque à Mâcon :
le projet au crible

, par La Rédaction

En décembre 2020, le Conseil municipal de Mâcon a voté une promesse de bail pour l’installation d’une centrale photovoltaïque sur des terrains de la Grisière. Sur près de 4,5 hectares entre le stade Griezmann et l’autoroute A6, il s’agirait de produire de quoi alimenter 2 000 foyers en électricité. C’est une décision qui suscite plusieurs questions, auxquelles il faudra sans doute répondre avant la concrétisation de l’opération.

Le numéro 1 au format PDF :

Une centrale sur une ancienne déchetterie

Le projet consiste, a-t-on entendu lors du Conseil municipal, à « valoriser un patrimoine en friche et développer les énergies renouvelables sur la commune » [1].

La friche en question, c’est le terrain de l’ancienne déchetterie, qui a fonctionné jusqu’en 1995, avec trois casiers enfouis. Précisons qu’aujourd’hui les déchets non recyclables collectés en déchetterie sont enfouis dans des centres à Chagny et à Granges, près de Chalon-sur-Saône. Les autres déchets sont introduits dans divers processus de recyclage, de « valorisation ». Les ordures ménagères collectées hors déchetterie, notamment dans les points de collecte et au porte à porte, sont, après un tri pour écarter les déchets recyclables, soit incinérées à Villefranche-sur-Saône, dans le Rhône, pour alimenter le réseau de chaleur urbain, soit envoyées à Chagny pour produire du méthane et alimenter le réseau de gaz. Notons que l’incinération pour production de chaleur permet de réduire la masse des déchets, jusqu’à 70 %, mais qu’elle n’est pas sans conséquences environnementales, avec rejet de fumées en partie toxiques (dioxine, oxydes d’azote, de soufre…).

Terrains concernés par le projet de centrale photovoltaïque :

Terrains concernés par le projet de centrale photovoltaïque
Terrains concernés par le projet de centrale photovoltaïque

A Mâcon, 9 500 foyers sont alimentés en chaleur par une chaufferie biomasse/gaz, mise en service en 2018 dans le quartier de La Chanaye. Elle fonctionne à partir de bois pour 60 %, de gaz pour 20 %, de cogénération pour 20 % (la cogénération désignant l’énergie autonome à partir de l’usine en fonctionnement).

Le terme de « valorisation » des terrains de l’ancienne déchetterie est quelque peu galvaudé, synonyme ici d’exploitation. Il renvoie à des préjugés tenaces sur la friche. En effet rien n’empêche de valoriser l’environnement en laissant un terrain en friche, ou avec des plantations si possible. On apprend d’ailleurs à cette occasion le projet d’un « verger conservatoire », lieu de diversité de variétés notamment anciennes de fruits, à comprendre sans doute comme une extension de ce qui existe de l’autre côté de l’autoroute dans l’arboretum des Hauts de Chailloux, encore faut-il que ce soit le lieu, si isolé, pour un tel projet.

Plan de situation (OpenStreetMap) :

Plan de situation (OpenStreetMap)
Plan de situation (OpenStreetMap)

La concession du terrain pour la centrale est prévue pour 35 ans, durée qui n’est pas aberrante au regard du temps nécessaire pour le retour sur investissement. Le choix d’une société monégasque est certainement plus problématique, sans garantie, a priori, dans la promesse de bail, qu’une société fille domiciliée en France soit créée pour cette centrale, notamment en matière fiscale. Mais sur vingt candidatures, c’est a priori celle qui répond le mieux aux exigences, à discrétion de l’équipe en charge de l’analyse des candidatures. Dans le cadre d’un bail d’exploitation, le projet n’entre pas dans les règles d’un marché public. Et le principe d’une régie municipale ne semble pas avoir été posé.

La concession se fait contre un loyer annuel de 65 000 euros garantis, pouvant aller jusqu’à 78 000 euros selon les résultats de l’entreprise. Le contrat contient en outre pour l’entreprise une obligation de 25 000 euros de mise en valeur du site pour attractivité, et la mise en place de dix points de recharge pour des véhicules électriques, comme le stade Griezmann est à proximité.

Il faut compter, à partir de janvier 2021, environ trois à quatre ans avant la mise en œuvre, avec entre temps une étude sur l’impact environnemental, l’obligation de deux réunions ouvertes au public, un permis de construire en 2022, pour une mise en service prévue fin 2023 début 2024.

Une production énergétique anecdotique

Sur les 4,4 hectares, il est prévu la production de 4,9 GWh (gigawatt-heure), soit près de 2 000 foyers, sans qu’on sache si cela comprend le chauffage. Notons que cela correspond théoriquement à 12 % des 16 419 ménages à Mâcon recensés en 2017, mais seulement à 4 % des 51 571 ménages de l’arrondissement, zone certainement plus pertinente pour mesurer l’impact du projet.

Il faut aussi mettre cette production en relation avec l’augmentation de l’offre immobilière locale, et donc potentiellement de foyers, avec pour exemple la frénésie actuelle de construction sur la commune de Charnay-lès-Mâcon. Mais si l’on observe, comme l’indique bien M. Courtois lors du Conseil municipal, que la moitié de la production équivaut aux besoins de la centrale de production d’hydrogène, prévue pour alimenter des bus, alors on peut affirmer que le projet ne présente pas un remplacement des énergies fossiles dans la production existante, mais une part de renouvelables dans les nouveaux besoins en énergie, qui vont croissants. Il peut s’agir donc d’une nouvelle forme globale de pollution, d’autant plus qu’il n’y a pas beaucoup d’informations disponibles pour l’heure au sujet de la centrale de production d’hydrogène.

Au niveau de la région Bourgogne, qui dans le même temps souhaite une augmentation de ce type de centrales, sont produits en 2019 349,8 GWh avec le solaire, soit 3 % de la production nationale. Celle-ci est logiquement concentrée dans les régions méridionales. Mâcon et son arrondissement, point le plus au sud de la région, avec cette centrale, devrait produit environ 1,5 %, base haute, du total régional.

Des interrogations nombreuses et variées

Sur tous les aspects précédemment présentés, les interrogations surgissent.

Pour ce qui concerne l’impact environnemental, les questions sont de deux ordres, au sujet du site d’une part, au sujet de la méthode photovoltaïque d’autre part.

Pour le terrain choisi, qu’en est-il des déchets des anciens casiers et de leur impact environnemental ? L’installation de panneaux, aussi légers soient-ils, demandant sans doute des fondations au regard de la prise au vent dans ce secteur, ne vient-elle pas exercer une pression sur les casiers, sur les déchets ? Qu’en est-il par ailleurs des puits lixiviats, au sud sous ces casiers, qui recueillent les « jus de décharge » chargés en polluants ? Sont-ils toujours fonctionnels, surveillés ? Que sait-on de l’étanchéité des casiers et des puits, plus de 25 ans après la fermeture de cette déchetterie ?

Le photovoltaïque a des impacts environnementaux non négligeables, lié à la présence de silicium pour les matériaux semi-conducteurs (2 % du poids), de même que d’aluminium et de cuivre (10 % du poids). Si ce n’est que du sable, la production et l’extraction de silicium nécessitent des quantités colossales de chlore, acides et solvants, sur les lieux de traitement, avec forte consommation d’eau et d’énergie (notamment au charbon). Ces matières sont recyclables, comme le verre qui constitue 80 % du poids, mais c’est bien dans leur production initiale que se trouve le problème.

Comparons avec l’éolien, avec 90 % de métal, facilement recyclable, tout comme le béton armé des fondations, avec également des progrès sérieux pour valoriser les pales et leurs matériaux composites pourtant initialement complexes à recycler, matériaux composites qui peuvent aussi poser parfois question lors de l’extraction initiale des matières premières.

Toutefois, le photovoltaïque peut apparaître comme une meilleure production d’énergie que le nucléaire, fossile et non sans danger. Il faut bien sûr coupler impact du site, avec extractions, production, construction, fonctionnement, et consommation permise, ce qui rend les calculs et les choix complexes, ce qui nous fait oublier aussi souvent d’autres options, la géothermie, ou encore la « valorisation » des déchets ménagers vers la production d’énergie. Notons en tout cas que l’ambition du site de Mâcon est relativement faible en matière de production d’électricité.

Enfin, le maire de Mâcon, M. Jean-Patrick Courtois précise que l’électricité va en partie servir pour l’alimentation de l’usine de production hydrogène, on l’a vu, théoriquement, et que cela permettra à l’agglomération MBA d’obtenir des subventions pour la mise en œuvre de l’usine de production hydrogène. Il est curieux que la mairie développe un projet qui consiste surtout en un « montage », selon ses propres mots, pour un autre projet qui relève, lui, de la communauté d’agglomération. On peut avoir l’impression qu’au « greenwashing », s’ajoute un « coup » politique.

Espérons des clarifications sur ces différents points, avec des questions qui seront sans doute en partie levées par l’étude sur l’impact environnemental de cette entreprise, ce qui laissera encore à traiter l’ambition politique du projet.