Mâcon en chiffres :
des bilans aux responsabilités

, par La Rédaction

Les chiffres et statistiques ne sont pas tout dans l’observation d’une ville et de son environnement. Mais ils permettent d’avoir une autre mesure de la vie d’une cité, au-delà de ce qu’on peut palper au quotidien.

Ces chiffres, pour un tableau social et économique succinct, nous permettent aussi la comparaison avec d’autres villes, afin de mesurer l’importance et la marge des décisions politiques de la municipalité dans différents secteurs.

Le numéro 2 au format PDF :

Une population qui vieillit et dont le nombre stagne

Depuis la stabilisation du territoire de Mâcon en 1972, après les dernières annexions, la ville s’étend sur 2 700 hectares, ou 27 km², avec une population regroupée surtout dans une zone entre la Saône, Sancé, l’A6 ou Charnay et l’A406. Seules les trois communes associées gardent de l’espace non construit, à Loché, Sennecé et Saint-Jean-le-Priche.

La ville voit sa population stagner, après des baisses importantes à la suite des annexions. Ce sont près de 34 000 habitants lors du dernier recensement de 2017.

Dans la même période on voit la population de l’arrondissement croître régulièrement, lentement, passant de 102 000 habitants en 1975 à 113 000 en 2017. On est loin d’estimations des années 1970 qui envisageaient 78 000 habitants à Mâcon même en 2010 !

On observe un vieillissement sensible de la population, avec un taux de natalité stable depuis les années 1990, tandis que le taux de mortalité est passé progressive-ment de 8,5 à 10,2 pour 1000 entre 1975 et 2017.

On quitte Mâcon plus qu’on ne s’y installe. L’augmentation récente de la population à Mâcon est liée au solde naturel de la démographie.

Évolution de la population de Mâcon de 1968 à 2017 (chiffres Insee) :

Évolution de la population de Mâcon de 1968 à 2017 (chiffres Insee)

Sur 16 500 ménages, 48 % sont composés d’une seule personne, pour 19 % des hommes, et 29 % des femmes. Cela concerne 20 à 30 % des ménages avant l’âge de 79 ans, pour dépasser 55 % à partir de 80 ans. Ce taux de 48 % est de 10 points supérieur à celui de l’arrondissement, tout comme au taux national.

L’explosion du nombre de logements vacants pose question quand on voit la tendance à la construction continue. Ainsi ce sont, en 2017, un peu plus de 1 800 logements vacants, soit 9,6 % du parc. On retrouve précisément ce même taux au niveau de l’arrondissement, taux toutefois globalement plus faible que dans les villes équivalentes, et avec un taux de vacance de plus d’un an à « seulement » 5 %.

36,5 % des résidences principales sont en propriété, 62 % en location, avec précisément 35,5 % de location en HLM, soit la moitié des locations.

Au niveau de l’arrondissement, là encore avec une incidence urbaine, les chiffres sont bien différents, proches des moyennes nationales, avec 60 % en propriété, 37,5 % en location, avec dedans 15,5 en HLM.

Le règne de la voiture

80 % des ménages ont au moins une voiture (23 % en ont deux ou plus). Ces chiffres montent à respectivement 87,5 % et 40 % au niveau de l’arrondissement, avec, eu égard aux autres modes de déplacement possible, un plus grand besoin de déplacement automobile pour le travail comme pour d’autres activités comme les loisirs et les achats.

La part des moyens utilisés pour se rendre au travail confirme la mainmise de la voiture, utilisée dans 73 % des cas, contre 12,5 % pour la marche, 7,5 % pour les transports en commun, 2 % pour le vélo. Dans l’arrondissement la voiture passe à 81 %, contre 7 % de marche à pied, 4 % de transports en commun, 1,3 % de vélo. La situation est toujours moins bonne qu’au niveau national.

Notons à ce niveau que Mâcon ne fait pas partie des bons élèves en matière de maîtrise de la pollution, ainsi quand on effectue une comparaison des stations sur le site web « Atmo » de la région Bourgogne Franche Comté. C’est sans compter l’artificialisation très importante de 65 hectares en 10 ans, artificialisation d’autant plus lourde qu’elle se poursuit.

Grignotage routier dans la Grisière pour un projet d’artificialisation des sols :

Grignotage routier dans la Grisière pour un projet d’artificialisation des sols

Un tableau économique fragile...

Sur 10 ans, entre 2007 et 2017, on constate une augmentation du niveau de diplômes, avec une forte augmentation de diplômes de l’enseignement supérieur (passant de 19 à 25 % de la population de 15 ans ou plus), au détriment de l’absence de diplôme ou d’un certificat d’études primaires (pas-sant de 37 à 30 %).

Mais cette évolution qu’on pourrait estimer favorable à la ville, cache mal un taux de chômage en augmentation, passant de 14 à 19 % entre 2007 et 2017. Bien sûr les emplois peuvent être assurés par des habitants d’autres communes, et il peut exister une concentration de chômage à Mâcon, ainsi dans les quartiers dits « prioritaires ».

Notons qu’au niveau de l’arrondissement la baisse de l’absence de diplôme ou d’un certificat d’études primaires est davantage marquée, de même en faveur de diplômes de l’enseignement supérieur, mais aussi en faveur de diplômes tels que le CAP ou le BEP.

Le taux de chômage y est plus faible, passant de 9 à 12 % entre 2007 et 2017, certains emplois pouvant évidemment être assurés en ville, dont Mâcon. Notons à ce sujet que 63 % des actifs de l’arrondissement travaillent dans une autre commune que celle dans laquelle ils résident. Au niveau de la zone d’emploi le chômage est réduit à 6,8 %, en 2020, ce qui renforce l’idée de zones plus touchées que d’autres, avec une concentration du nombre de chômeurs en ville.

Le tertiaire est l’employeur principal en ville : à 74 % pour le commerce et autres services, à 15 % pour l’administration publique, l’enseignement, la santé, l’action sociale, avec un peu plus de 5 % pour chaque secteur secon-daire de la construction et de l’industrie, 0,5 % pour le secteur primaire de l’agriculture et de la pêche.

Les chiffres sont différents pour l’arrondissement, malgré une même tendance globale, nationale, à 41 % dans le commerce et autres services, à 34 % dans l’administration publique, l’enseignement, la santé, l’action sociale, avec un peu plus de 7 % et 12 % d’emplois dans chaque secteur secondaire de la construction et de l’industrie, 5,5 % dans le secteur primaire.

75 % des emplois sont en CDI ou pour des titulaires de la fonction publique, au niveau de l’arrondissement, avec 11 % de CDD, environ 4 % d’emplois plus précaires ou de stagiaires, avec 10 % d’indépendants ou employeurs. Le temps partiel concerne 8,5 % des hommes, 29 % des femmes.

On compte 29 agriculteurs, puis 792 artisans, commerçants et chefs d’entreprises (soit 3 % de la population de plus de 15 ans). L’essentiel des catégories socioprofessionnelles (CSP) se trouve parmi les ouvriers (16,4 %), les employés (15,8 %), les professions intermédiaires (12,7%), enfin les « cadres et professions intellectuelles supérieures » (6,4 %), en outre 15,9 % sans activité, 30 % de retraités.

Et ce sont 8 % d’étudiants parmi les 15-64 ans, chiffre en légère baisse. Ainsi, avec 752 étudiants en 2020, Mâcon se démarque des villes équivalentes, avec un nombre faible. Ils sont 375 en sections de techniciens supérieurs et assimilés, 198 en écoles paramédicales et sociales, 157 en INSPE principale-ment pour l’enseignement du premier degré, 22 en antenne universitaire. Les jeunes étudiants vont plutôt vers Dijon et Lyon, en conséquence, ce qui réduit le dynamisme de la ville.

43 % des 15 000 ménages fiscaux sont imposés, en 2018 (contre 51,5 % des 50 000 ménages fiscaux de l’arrondissement), avec un taux de pauvreté de 23 %, qui oscille de 20 à 30 % jusqu’à 60 ans, après quoi il oscille de 10 à 15 %. Ce taux de pauvreté, défini par un revenu inférieur à 935 euros, est de 13 %, soit 10 points de moins, au niveau de l’arrondissement.

La médiane du revenu disponible par unité de consommation est de 18 330 euros (contre 21 590 euros au niveau de l’arrondissement). En matière fiscal le foncier ne parait pas plus élevé qu’ailleurs, au contraire quand on regarde les villes comparables, sans grandes différences, globalement.

En 2020, 400 entreprises ont été créées à Mâcon, sur 1 060 dans l’arrondissement, surtout des entreprises individuelles, ainsi pour 293 d’entre elles (73,3 %). Cela rejoint le contexte d’un essor de la micro-entreprise, associée au commerce par exemple.

On note bien que le nombre de sociétés nouvelles est en diminution si on enlève le nombre de micro-entreprises du compte, après une légère hausse en 2018. Il est difficile de trouver des chiffres publiés concernant les suppressions.

Par ailleurs le taux de vacance commerciale, avant la crise sanitaire, était de près de 20 %, largement au-dessus de la moyenne de 11 % pour les villes de même taille.

Nombre de créations d’entreprises à Mâcon, de 2011 à 2020 :

Nombre de créations d’entreprises à Mâcon, de 2011 à 2020

...mais une situation « normale »

Comparons avec des villes équivalentes en matière de taille et de positionnement, avec Lens, Dreux, Épinal, Cambrai, Nevers, Roanne, Auxerre, Montluçon, Villefranche-sur-Saône, villes de 30 000 à 38 000 habitants situées hors de la région parisienne et sur des axes plus ou moins importants de circulation économique.

On est loin, à Mâcon, d’une ville comme Lens, qui a perdu 7 000 habitants en 40 ans, avec près de 30 % de chômage, un taux de pauvreté de 32 %, une médiane de revenu disponible à 15 990 euros, 15,5 % de logements vacants.

Il en va de même pour Épinal, dans un paysage économique difficile, mais avec un chômage à 21 %, plus faible donc qu’à Lens, avec plus d’emplois dans l’administration publique et la santé. Ce secteur peut être essentiel en ville dans une période de déclins industriels et de fermetures commerciales, avec alors une captation de richesses produites ailleurs.

Les villes de Dreux ou Cambrai sont davantage comparables à Mâcon, avec des similitudes sociologiques et économiques. Les indicateurs y sont toujours un peu plus rouges qu’à Mâcon, ainsi avec un taux de chômage à 24 %, un taux de pauvreté à respectivement 29 et 24 %. Sur un autre domaine, c’est une utilisation supérieure des transports en commun, à 14,5 % à Dreux, 9 % à Lens et à Epinal, où l’utilisation du vélo est aussi plus importante (comme à Cambrai, ou Roanne, ou Nevers, mais alors avec une faible utilisation des trans-ports en commun).

Avec une perte de 10 000 habitants en 40 ans, Nevers est aussi fragile, mais sans envier Mâcon, avec un taux de chômage à 21 %, un taux de pauvreté à 23 %, une médiane de revenu disponible à 18 930 euros, avec aussi, comme ville préfecture, un taux important dans le secteur administratif.

Roanne a, sur la même période, perdu 14 000 habitants, jusqu’à 34 500 âmes en 2017, un taux plus important de non diplômés, mais avec 21 % de chômage, un taux de pauvreté à 24 %, un secteur tertiaire qui tient la route.

Auxerre jouit d’une meilleure situation économique, avec 17,5 % de chômage, de bons secteurs tertiaires et administratifs, un taux de pauvreté à 21 %, globalement des indicateurs un peu meilleurs qu’à Mâcon. Il en va de même pour Montluçon, avec environ 35 000 habitants, un tissu industriel plus important, quand la situation est par contre aussi mauvaise au sujet des transports en commun.

En réelle croissance contrairement aux autres, Villefranche-sur-Saône est passée de 29 000 à 37 000 habitants dans les 40 dernières années, avec une proximité de Lyon qui s’avère intéressante pour la ville, et avec une plus grande mobilité des populations.

Les indicateurs n’y sont pas tant meilleurs que dans les autres villes, avec un taux de chômage à 18 %, notamment « grâce » au tertiaire, lié au commerce, et un taux de pauvreté à 24 %. Notons que les transports en commun ont un succès eu égard aux autres villes, à 14 % dans la part des moyens de déplacement.

Une responsabilité municipale à cerner par secteur

Le contexte économique de Mâcon est en grande partie lié à la présence d’un nombre important de fonctionnaires, à des activités professionnelles variées dans Mâcon et autour de Mâcon, mais aussi à la situation géographique de la ville, carrefour qui peut avoir un rôle à jouer, certes secondaire mais toutefois suscitant l’activité.

La politique municipale tient d’une faible emprise sur la santé économique de Mâcon, avec des créations souvent plus anecdotiques que leur mise en valeur par les deux médias de la ville ne le laisse supposer. Ce d’autant que les suppressions d’emploi existent également, peu visibles si ce n’est dans le secteur commercial.

La communauté d’agglomération a davantage de poids. Toutefois ce poids se limite essentiellement à l’aménagement du territoire, et on peut douter dans ce domaine de l’intérêt des initiatives associées au projet de Saône Digitale ou encore à la création continuelle de pôles d’activités sur des zones agricoles (ainsi dans les territoires de Sancé ou Loché). Pour Saône Digitale, le projet ambitieux semble se heurter à des volontés entrepreneuriales faibles et à une contradiction dans la volonté par ailleurs louable de ramener des entreprises vers le centre-ville (ainsi avec des bureaux rue Gambetta pour Ubitransport, installé jusque-là dans le Cité de l’entreprise). Pour le second, on se retrouve dans une logique d’artificialisation continue des sols (refusée en mai 2021 par le Conseil municipal de Sancé).

Zones d’activités industrielles (violet) et commerciales (rose), hors centre ville :

Zones d’activités industrielles (violet) et commerciales (rose), hors centre ville

Pour les transports, la gestion municipale est responsable d’une situation négative, d’autant que la topographie urbaine ne s’oppose pas à des transports plus doux que la voiture. Le réseau de bus est souvent mis en défaut dans l’opinion, et ce n’est pas sans raison. En dehors de la navette de bus gratuite, le réseau de bus est ciblé comme inefficace, mal pensé.

En matière commerciale, on ne peut que regretter une absence de dynamique pour le centre ville, sans efforts pour attirer les consommateurs comme ont pu le faire d’autres centres urbains. C’est un sujet qui mérite davantage d’efforts et de réflexions, à voir avec l’offre culturelle, plus largement avec l’identité culturelle et patrimoniale de Mâcon, mais aussi donc avec la politique liée aux déplacements.

Non abordés ici, d’autres sujets participent de ces réflexions sociales et économiques : l’accès aux soins, la sécurité, la gestion des équipements publics, les projets politiques divers, les politiques d’urbanisme...

Directement associée à l’avenir économique de Mâcon, c’est aussi la question de la cohésion sociale, avec en ville une ghettoïsation des quartiers, un communautarisme qui relève d’une politique de la ville assumée dans quatre quartiers prioritaires plus ou moins enclavés.

Les quartiers concernent un quart de la population mâconnaise, taux plus élevé que dans les autres villes si ce n’est Lens. Ces quartiers regroupent en outre l’essentiel de la population étrangère, qui correspond à 13 % de la population mâconnaise. Cela suppose une incidence sur le niveau de vie dans ces quartiers, avec par exemple un accès plus difficile aux emplois qualifiés, ou encore à l’offre culturelle.

Tous ces domaines méritent d’être davantage étudiés, afin de trouver les moyens d’une politique mâconnaise adaptée à des enjeux observés plus qu’à des sentiments politiques plus ou moins fictifs.