De PLUs en PLUs, l’artificialisation de Mâcon

, par La Rédaction

Depuis près de sept ans la Ville de Mâcon s’est engagée dans la révision de son Plan local d’urbanisme, ou PLU. Il s’agit de modifier les règles d’urbanisme actuellement en vigueur dans la commune. Le PLU sert à préciser les libertés et contraintes pour les nouvelles constructions, pour les aménagements privés et publics, pour les rénovations et autres projets d’urbanisme. Ce qu’il autorise ou non a donc des conséquences pour les propriétaires ou futurs acquéreurs, pour les promoteurs, les entreprises ou tout autre organisme souhaitant s’implanter sur Mâcon. Il concerne plus globalement tous les habitants, supposant des modifications de leur cadre de vie.

Le numéro 6 au format PDF :

La révision d’un PLU, le dernier datant de 2007, est une démarche lourde, qui prend du temps, et pour laquelle la mairie a l’obligation d’organiser des enquêtes publiques. Cette révision est notamment nécessaire afin de prendre en compte des lois nouvelles, dont la loi Climat et Résilience promulguée en 2021.

Ce règlement n’est pas aisément abordable. D’aucuns diraient que c’est le but recherché. Ce qui se cache derrière ce règlement est tout bonnement la conception de la Ville par la majorité, et à Mâcon, tant son emprise est réelle, par le maire Jean-Patrick Courtois. Les différents documents émis par la Ville de Mâcon à ce sujet depuis 2016 permettent de comprendre ses projets.

Les cartes présentées dans cet article présentent les zones d’artificialisation prévues dans le PLU, ainsi que des zones avec permis actuels de construire, dans plusieurs secteurs de Mâcon. Les projets présentés sur ces cartes ne sont pas exhaustifs...

Les zones dites à urbaniser sont représentées avec des points.

Projets d’artificialisation au sud de La Chanaye :
zone économique, stades, habitations

Un credo simple : construire !

La révision du PLU permet à la majorité de rogner sur les contraintes du PLU actuellement en vigueur. Or, dans la révision précédente, à la fin des années 2000, les zones réglementées, surveillées, était déjà fortement réduites, avec toujours le même objectif : augmenter les territoires sur lesquels un permis de construire pouvait être immédiatement accordé.

Les zones de bâti ancien sont aussi moins nombreuses, avec une forme de négligence de la Ville de Mâcon à leur égard, en dehors de certains espaces touristiques du centre-ville. Elles concernent, en 2007, les rues anciennes de Sennecé-lès-Mâcon, la place de l’église et la rue de la Fontaine à Flacé, la rue des Glycines au Grand Four, la rue Charles Pillet en partie ancienne de Saint-Clément, Fontenailles et les Noyerats, l’essentiel de Loché. D’autres zones sont censées être préservées de la densification, mais il suffit de ne citer qu’un exemple, du PLU précédent encore en vigueur, à savoir le « site naturel de la Grisière », pour comprendre que la Ville a largement dérogé ce principe de contrôle, étant elle-même instigatrice d’artificialisations nombreuses dans ce secteur depuis 2013. S’il existe peu d’anciens îlots, par exemple à La Chanaye, ce sont des terres agricoles qui sont artificialisées. Quand il y a de l’ancien, il est peu protégé, ainsi la rue de la Cascade à Flacé, avec un moulin des années 1820, le Chalet, le Château de l’Ecluse en surplomb, une ancienne chapelle, n’est pas intégrée dans le caractère villageois du bâti, avec alors des constructions qui ont poussé sur les bords de l’Abîme, au détriment des espaces naturels, avec une qualité esthétique qui pose question, de même que toutes les zones anciennes de la Grisière à la caserne Duhesme, ou de la Grisière au bas de la rue de l’Héritan, ne sont pas envisagées comme des zones à surveiller et à valoriser.

Les documents de travail sur le nouveau PLU, d’ailleurs, en 2018, ne cachent pas ce problème, envisagé en termes économiques de « sous-exploitation » du petit patrimoine. Mais la Ville de Mâcon n’envisage le patrimoine que comme une offre touristique, focalisée au centre-ville sur quelques grands lieux, sans égard pour un parcours patrimonial d’une part, sans égard pour la multipolarité de la ville, ainsi pour les patrimoines extérieurs, vers Saint-Clément ou Flacé par exemple, sans politique culturelle d’ensemble, sans ambition historienne et de conservation.

Projets d’artificialisation à Bioux, au Val de Bioux, à Champlevert (logements, commerces)

Dans le nouveau règlement, beaucoup de zones naturelles sont reclassées en zones urbaines, ou encore en zones à urbaniser. Cela correspond à des projets en cours, mais aussi à une libéralisation des options de construction. La Ville de Mâcon permet ainsi qu’on rogne de plus en plus à l’avenir sur des espaces naturels. Ce sont 110 hectares de zones naturelles ou agricoles qui sont vouées à disparaître à des fins d’urbanisation, soit l’équivalent de plus d’une centaine de terrains de football !

Les documents relatifs à cette révision font régulièrement référence à une volonté de « préservation » de territoires. Or c’est bien la continuité de l’urbanisation qui importe pour la Ville de Mâcon. Dans sa communication sur l’environnement, elle met en valeur le peu d’espaces naturels qu’elle peut maintenir, ou qu’elle est dans l’obligation de maintenir, pour mieux faire accepter une politique d’artificialisation des sols. Ainsi des terres agricoles deviennent constructibles, les derniers espaces verts qui existent dans la ville même sont davantage réduits, et les cours d’eau potentiellement contrôlés ou cachés pour qu’ils n’entravent pas l’élan des constructions, dans la continuité de ce qui s’est fait par le passé pour le Bioux et pour l’Abîme.

« 110 hectares de terrains non encore urbanisés mais identifiés comme ayant vocation à l’être », « les terres naturelles et agricoles représentent encore près du 50 % du territoire. » Voici ce que l’on peut lire pour rendre l’urbanisation, sous entendue la bétonisation, acceptable voire nécessaire. On peut toutefois s’interroger en quoi une terre agricole a « vocation » à être artificialisée …

D’après ce postulat, d’importantes surfaces sont vouées à l’urbanisation continue, par exemple à La Chanaye, aux Saugeraies ou à Loché. Les espaces verts du Bioux, de l’Abîme, eux, sont promis à toujours plus être réduits, pour la construction de lotissements. La forêt de Sennecé est présentée comme zone à préserver, fort heureusement. Tout comme le parcours PAPA et le vallon de la Grosne. En étudiant les raisons de leur « préservation », on comprend qu’il s’agit surtout de zones hautement inondables...

Projets d’artificialisation dans le quartier de Flacé :
hauts de Chailloux, Grisière, stade, Abime, Saugeraies...

Une artificialisation aux motivations douteuses

Les objectifs de la majorité municipale sont clairs, mais difficiles à accepter, tant l’argumentation déployée paraît bien faible. Alors qu’elle sait bien analyser les évolutions démographiques sur plusieurs décennies, de 21 000 à 39 000 habitants entre 1945 et 1975, pour ensuite stagner à 34 000 habitants depuis l’an 2000, elle réitère cependant son obsession d’un seuil de 40 000 habitants, à atteindre en 2030 (dans un document de début 2018), ou pour être moins irréaliste en 2040 (dans un document de fin 2018), en souhaitant de nouveaux logements, tout en préservant l’environnement. Cette double volonté s’avère impossible au regard des surfaces disponibles.

Le souhait de 2 000 nouveaux logements, sur 41 hectares soit 60 terrains de football, d’ici 2032, peut surprendre, comme si la faible hausse démographique actuelle permettait d’envisager une explosion, avec l’idée d’atteindre 37 500 habitants en 2032 ! Cela signifie que la ville ambitionne de construire, tous les ans, 200 nouveaux logement, dans les 10 ans à venir. Pour comparaison, entre 2009 et 2020, 1250 ont été construits. Il faut donc envisager le double de l’espace urbanisé ces 10 dernières années. En outre, 41 hectares seraient utilisés pour des activités économiques.

Alors que les objectifs du précédent PLU n’étaient pas réalistes, visant alors 38 000 habitants en 2015, la Ville de Mâcon présente un nouveau projet sans tenir compte de ces errements passés. Quitte à être dans l’absurdité, autant l’être davantage !

La Ville insiste beaucoup sur les 39 000 habitants qu’elle comptait en 1979.

1979 ! L’époque des constructions massives engendrées par la croissance démographique débutée après guerre et le contexte migratoire des Trente Glorieuses, dans un contexte de décolonisation, d’appel à la main d’œuvre étrangère.

Peut-on vraiment penser que Mâcon fera l’objet en une décennie ou deux d’une poussée démographique comparable à celle historique du Baby Boom après guerre ? Peut-on vraiment croire que la demande très actuelle de logements depuis la région lyonnaise puisse conforter l’idée d’une telle croissance ?

La Ville de Mâcon se trouve tiraillée entre la volonté d’augmenter son nombre d’habitants et l’affichage d’une préservation de l’environnement, qu’elle intitule dès 2018 comme une « toile de fond paysagère », en outre le souhait d’une « pérennisation de l’activité agricole », réduite à sa portion congrue. Ce tiraillement disparaît vite derrière la volonté d’un continuel développement démographique et économique.

Dans tous les cas il est important d’avoir en tête que la révision du PLU vient conforter des projets déjà avancés, qu’elle vient soutenir le projet politique des élus. Ce sont des modifications opportunistes, pragmatiques, qui n’attendent pas d’avis contraires de la population. La Ville de Mâcon enveloppe l’artificialisation des sols à des fins de développement économique et démographique sous le vocable plus attrayant de « valorisation du non bâti », avec le regret d’ailleurs exprimé en 2018 d’un « rythme de construction inférieur aux objectifs ».

La Ville de Mâcon a dû, comme le demande la loi, présenter son projet de révision pour avis à des instances concernées par le sujet. Leurs retours sont un véritable camouflet pour elle.

La Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) relève ainsi l’absurdité des projections démographiques, qu’elle considère comme un projet « très ambitieux et irréaliste » et dont « les choix d’urbanisation ne sont pas justifiés ». Cet organisme indépendant regrette également que certains projets ne soient pas intégrés dans cette révision alors qu’ils sont également prévus, comme les terrains sportifs au sud de La Chanaye, la centrale photovoltaïque à la Grisière, ou la zone Saône Digitale, rendant la présentation des projets urbains non-exhautive et par là même supposant un avis global sur le sujet difficile voire viciée.

La Chambre d’Agriculture déplore, quant à elle, dans un avis présenté en mars 2022, un projet trop ambitieux qui se fait au détriment des terres agricoles de Sennecé et des terres viticoles de Loché. La Chambre de Commerce et d’Industrie doute de la politique municipale pour le centre-ville en matière commerciale, avec une difficulté à endiguer la baisse de chiffre d’affaires dans les commerces de centre-ville et de la zone Nord, tandis que la zone Sud continue d’augmenter son attraction. La Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) appelle à prendre en compte les permis de construire en zones de prévention pour des vérifications, notamment dans la zone gallo-romaine de Flacé.

Des collectifs d’habitants s’organisent pour contester le bien-fondé de plusieurs projets, ainsi l’association PRESENCE des Monts du Mâconnais, au sujet des projets à Loché, ou encore des collectifs à Flacé, à La Chanaye.

Projets d’artificialisation à Saint-Jean-le-Priche,
à des fins économiques

Concrètement, des espaces naturels en moins

Il n’y a pas de réflexion approfondie sur des espaces verts en ville, inexistants aujourd’hui. La ville de Mâcon semble ainsi envisager que la présence de la Saône à elle seule suffit pour développer bien-être et tourisme.

Aucune politique proposée en faveur de tels espaces en ville, pour les habitants notamment, pour les enfants, sur des zones de proximité. Aucune politique de « désartificialisation », alors que bien d’autres villes y travaillent déjà. Un immeuble sur l’îlot des Minimes, synonyme de densification à outrance dans cet espace plutôt qu’un parc arboré en plein cœur de ville. Un espace bitumé maintenu place aux Herbes. Voilà les projets de ville des édiles de Mâcon alors que ces deux espaces, si rares ici, aurait pu favoriser le bien-être en ville.

Il y a cependant de bonnes initiatives, la valorisation de la gare peut en faire partie, mais sans qu’on sache alors à quel point la Ville de Mâcon peut agir. La mise en valeur de l’existant du centre-ville est intéressant, de même que les tentatives d’attirer des commerces, difficulté partagée par nombre de centres urbains équivalents à celui de Mâcon, déclinants. Si les halles Saint-Pierre sont décevantes, la création de bureaux rue Gambetta et la rénovation de plusieurs bâtis anciens peuvent être une réussite. Mais hors le centre-ville, la Mairie semble à la peine, sans réelle politique culturelle, sans réelles initiatives pour les petits commerces et les services de proximité.

La rénovation et le renouvellement urbain sont une bonne piste, dans cette révision, engagés avant la finalisation du nouveau PLU. Mais la majorité promeut surtout la densification, alors que les deux voies pourraient être conciliables. Et c’est une même densification qui est souhaitée dans les extérieurs, dans les faubourgs, ainsi aux Charmilles, à Rambuteau, place de la Barre, rue de Lyon, tout comme dans les centres historiques des anciennes communes de Saint-Clément et Flacé, dans les « centres-villages des communes associées » que sont Loché, Sennecé et Saint-Jean-le-Priche.

A leur lecture, il est perceptible que ces projets tiennent plus de cette volonté d’entassement de logements que d’une quelconque préservation de l’espace naturel. Cette dernière apparaît comme une injonction préalable à toute description de projet, mais qui ne se retrouve pas dans les mesures concrètes définies dans la révision du PLU. Les zones artisanales et industrielles déjà existantes seront donc densifiées.

La ville souhaite également diminuer le taux de vacance des logements, qui s’établit actuellement à 10 %, taux dans la moyenne nationale. Elle identifie ainsi que le centre-ville et les Saugeraies sont deux secteurs évités, sans pour autant décrire les solutions envisagées. Mais ne serait-ce pas lié à une absence de d’attrait et à une absence de mixité, dans ces quartiers, occultées pour ne pas dire maintenues ? De fait, cette vacance identifiée permet surtout à la ville, sous couvert de cet argument, de faciliter les projets de constructions neuves, le projet de la majorité étant surtout de permettre aux constructeurs d’avoir la plus grande liberté possible sur les zones d’installation, notamment en ouvrant davantage d’espaces à la construction, quitte à rogner sur les espaces naturels et l’environnement.

Il peut y avoir le souci de vraies politiques de quartier, pour améliorer la qualité de vie, par exemple aux Blanchettes, ou avec la conscience du problème du parc immobilier de La Chanaye. Mais il est une chose de chercher des solutions à des problèmes passés d’urbanisme, il en est une autre de chercher à créer des lotissements partout. Car c’est bien ce qu’on retient de ce PLU : 70 logements individuels sur des terres agricoles à Saint-Jean-le-Priche, de nouveau 70 logements individuels entre Malcus et l’arboretum, derrière déjà deux ou trois séries de lotissements qui ont vu le jour depuis les années 1960 sans aucune réflexion d’ensemble sur la succession de ces cités-dortoirs...

Dans le cadre de son projet de révision, la ville doit légitimer ces projets d’extension de l’urbain. Ainsi, on l’a vu, elle les justifie avec son estimation d’une augmentation invraisemblable de la population. Mais elle ajoute, concernant les conséquences de ces projets sur l’environnement, que ces secteurs « ne présente[nt] pas de valeur écologique particulière », pour des constructions avec impact faible sur les espaces naturels. Systématiquement, la simple contre-allée, les « trame verte » et « franges paysagères » (expression la plus usitée), c’est-à-dire le peu de nature laissé entre les parcelles, suffisent d’après elle, garantes d’une idée a priori limitée de la « biodiversité » mentionnée, voire l’améliorent ! En diminuant les espaces verts, elle argumente qu’elle s’occupera mieux du peu restant et donc que c’est bénéfique, tour de passe-passe qu’on retrouve par exemple pour les jardins de la rue de la Fontaine, à Flacé.

Ce sont ainsi également 70 logements à Sennecé, 270 logements dans le Val de Bioux, et encore 270 logements vers le chemin de la Lye, en complément de cités-dortoirs déjà construites, le tout sur des terres agricoles. On voit aussi des projets d’implantation d’activités économiques, en particulier à Champlevert, mais aussi, en termes de densité, à Saint-Jean-le-Priche, voire à Loché au détriment du caractère villageois et viticole de cette commune.

Projets d’artificialisation à Sennecé-lès-Mâcon,
pour des logements et entreprises

Un espace agricole ancien en plein cœur de ville, entre Bioux et Charnay ? à urbaniser ! Des jardins partagés derrière la mosquée de la Chanaye ? à urbaniser ! Un espace vert perdu entre les Cigales et la Girouette ? à urbaniser ! Sans oublier le nombre important de parcelles dont l’occupation du bâti au sol laissait une large part à la nature et qui sont aujourd’hui démembrés pour la création de toujours plus de constructions.

L’idée est de grignoter tout bout de parcelle constructible, les fameuses « dents creuses » espaces « encore » non construits entourés de parcelles bâties. La ville estime la possibilité d’y construire au moins 500 logements supplémentaires. C’est ainsi qu’on peut comprendre le travail actuel d’autoentrepreneurs dans l’immobilier à chercher le bout de terrain là où ils le peuvent, par un démarchage à domicile particulièrement intense au printemps 2022 dans les quartiers mâconnais.

Pourtant les dents creuses, qui peuvent concerner, dans un abus de langage, des fonds de jardins, des zones tampons, peuvent avoir une utilité à rester vierge de constructions : placettes, squares, espaces verts, espaces partagés, jardins partagés, voire friches... Toutes options qui ne sont pas envisagées par la Ville de Mâcon, qui reste dans sa logique de recherche d’espaces pour des logements, quoi qu’il en coûte.

Par cette capacité d’artificialisation, sous prétexte d’une augmentation démographique, la Ville vise à proposer une offre la plus diversifiée possible de terres pour construire, dans une concurrence avec les autres communes de l’agglomération. « L’intensification de la construction de logements », inscrit comme tel dans le projet de révision du PLU, sur des terrains considérés, on ne sait trop pour quelles raisons, comme n’ayant aucun intérêt agricole ou environnemental, en est la clef de voûte. Ces perspectives se feront pourtant au détriment de l’environnement, à moyen comme à long terme.

Il existe une volonté de rénovation, bien réelle, en particulier pour les logements sociaux, mais surtout une volonté bien plus forte de constructions nouvelles, non pas en remplacement de l’ancien mais sur des espaces naturels.

Cette intensification est également souhaitée dans les anciens villages de Flacé, de Saint-Clément, et dans les communes associées. Toutefois les espaces y sont réduits, sauf à fragmenter davantage les parcelles existantes et parfois à supprimer des terrains agricoles… On pourrait croire que l’objectif irréaliste de 40 000 habitants n’est qu’un prétexte pour justifier la mise à disposition d’une offre de terres constructibles la plus large possible, pour permettre une libéralisation de la demande.

Projets d’artificialisation à Loché, sur des espaces agricoles, pour des logements et entreprises

Des oublis inquiétants

Nulles mentions, dans cette révision du PLU, de l’aspect sociologique de la population suivant les quartiers, de l’absence de mixité dans les écoles mâconnaises, et donc de propositions concrètes explicitées, malgré un affichage volontariste de mixité sociale. Nulles mentions de la pression fiscale induite par cette intensification de population. De même, excepté à Champlevert, cette densification de la population, des zones artisanales et industrielles, ne s’accompagne aucunement d’une réflexion sur l’intensification de demandes et besoins que celle-ci engendrerait.

Quid de services publics adaptés en particulier concernant l’éducation ? Les activités périscolaires et les centres aérés sont pourtant déjà saturés. Or ces éléments ne sont pas pris en considération au-delà de quelques lignes dans le document final de la révision du PLU, dans lequel est mis en valeur une situation existante pourtant très précaire, dans lequel on indique sans conviction, sans détails, le besoin d’anticipation de ce conséquent développement urbain.

En ce qui concerne la santé, avec une offre indubitablement insuffisante aujourd’hui, aucune analyse n’est présentée dans le projet de révision du PLU. Il peut s’agir de déni, ou bien de désillusion quant aux objectifs annoncés. Pourquoi un sujet si important pour la population est totalement passé sous silence ? Alors que par ailleurs, la municipalité admet les difficultés observées au sujet du commerce de centre-ville, du réseau de transports en commun, du réseau cyclable, quand bien même il s’agit d’annoncer des améliorations encore à concrétiser, attendues.

Entre projet d’une croissance démentielle, prenant exemple sur une époque bien spécifique et tout autant révolue, entre omissions volontaires des limites de la Ville à supporter cette croissance, à plusieurs niveaux, on peut douter de l’honnêteté des documents présentés.

Une enquête publique obligatoire, mais cosmétique ?

Si l’enquête publique sur ce règlement d’urbanisme est une obligation légale, il ne faut sans doute pas en attendre grand-chose, d’autant plus quand cette révision est initiée depuis 2016, mais avec une enquête publique à l’été 2022 pour un vote en décembre 2022 en Conseil municipal. Le maire lui-même indique qu’à l’issue de cette enquête la révision sera « éventuellement » modifiée, ce qui, au regard des nombreuses critiques déjà émises par les habitants sur le peu de prise en compte par leur maire de leur avis, démontre que, si modifications il y a, elles se feront à la marge mais absolument pas en profondeur. Ce serait remettre en question la ligne politique bétonnière de la majorité, or la majorité a démontré qu’elle entendait, une fois élue, mettre en œuvre sa politique sans laisser place au doute, à la participation de ses habitants et à l’évolution des mentalités.

L’enquête publique est ouverte pendant un mois, du 31 mai au 1er juillet 2022. Or, en lisant le document principal contenant le règlement, on voit qu’il est daté de décembre 2021, ce qui signifie qu’il n’a pas été modifié pour prendre en compte les avis déjà présentés depuis par les différents acteurs sollicités, en particulier au cours du mois de mars 2022. Ainsi, pour une validation en décembre 2022, les bases sont en fait quasiment arrêtées dès la fin 2018.

Le dossier complet, sur la page web dédiée, comprend près de 1 000 pages, auxquelles il faut ajouter, si on souhaite saisir les tenants et aboutissants de ce projet, 150 pages de diaporamas des réunions publiques, et 50 pages d’un dossier dérogatoire plus détaillé pour certains projets spécifiques de lotissements. La mairie peut espérer que les citoyens n’auront ni le temps ni les moyens d’entrer dans un travail aussi complexe, aussi technique, en un mois seulement, avec des permanences peu nombreuses, dont la première est programmée le jour même de la publication des documents…

Dans ce contexte, que peuvent faire les citoyens ? S’exprimer tout de même, sans doute, et donner leur avis sur le sujet… Ce n’est peut-être pas vain.

Il est important enfin d’observer que d’autres méthodes sont possibles. Ainsi, plutôt que de présenter des documents longs et complexes, dans une démarche bureaucratique telle, certaines villes travaillent dès le début sur la concertation avec les habitants, avec les associations de quartier, avec des consultations plus fréquentes, ce qui n’est pas le cas à Mâcon, qui se contente du strict minimum.

Réunions à l’échelle de la Ville, réunions régulières à l’échelle de quartiers, débats thématiques, ateliers de travail tout au long du processus, contributions citoyennes après tirage au sort, cartographie collaborative, voilà ce qu’ont su mettre en place plusieurs villes ou communautés d’agglomération, comme Grenoble en Isère, comme Bellême dans l’Orne...

Pour aller plus loin :

Le PLU 2007 est disponible sur
https://www.macon.fr/macon-et-vous/urbanisme/le-plan-local-durbanisme-plu

La révision du PLU est ouverte à consultation sur :
https://www.macon.fr/macon-et-vous/urbanisme/enquete-publique-relative-a-la-revision-du-plan-local-durbanisme-plu

Les documents essentiels, utilisés pour cet article, de 2007 à 2022, sont téléchargeables ci-dessous :

Documents PLU Mâcon (2007-2022)